Une chanson en dédicace
Image: Le vieux du bas du fleuve
Un merci tout spécial à (Madame Gisèle Deslandes, artiste peintre)
La cicatrice Forillon
Chaque année, il y revient. Il paye à la barrière les $8,50 que coûtent les droits d'entrée sur le grand Parc Forillon. Un des plus grands et des plus beaux parcs nationaux du Canada, situé à l'extrême est de la Gaspésie sur un magnifique cap dominant la mer.
Chaque année, il revient encore ici. Mais lui, il ne suit pas les quelques touristes venus le visiter durant leur vacances. Non. Lui, il vient pour se souvenir. Il emprunte des sentiers connus de lui seul. Et là, au milieu d'un bouquet d'arbres vieux d'un peu plus de cinquante ans, derrière un tas de broussailles qu'il écarte de la main, il découvre les anciennes fondations de la maison où il a vu le jour. Lui, il n'est pas à Forillon. Non. Lui, il est à Indian Cove. Il vient pour y pleurer. Il vient pour y honorer la mémoire de son père et de sa mère morts de chagrin et d'ennui après avoir été chassés sauvagement de leur foyer et de leur terre. Après avoir été dépouillés de leurs biens, fruits des efforts de toute une vie et de leur fierté d'appartenir à cette terre. Leur terre. Chaque année, il vient pour y prier. Il prie pour ceux dont l'esprit habite encore ce village dont le nom a été oublié depuis. Mais lui, il n'oublie pas. Jamais il n'oubliera…
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Extrait
1970
La création de ce parc national a forcé l’expropriation de 350 propriétés construites sur le territoire visé, hébergeant quelques 225 familles, sans compter plus de 1 500 propriétés boisées. Des milliers de personnes ont été ainsi directement touchées par la création de ce parc...
Cette expropriation a disséminé 6 villages…
Quant à eux, les expropriés se sont retrouvés un peu partout au Québec, de Montréal aux habitations à loyers modiques (HLM) du centre-ville de Gaspé construit à leur intention. Ces gens qui, pour la plupart, assuraient leur revenu par la pratique traditionnelle de la pêche, de la culture maraîchère, de la chasse et du travail de bûcheron, ont dû réinventer un mode de vie dans leur propre coin de pays, en voyant leurs propriétés disparaître sous les flammes allumées par des employés du parc. Plusieurs d’entre eux ne s’en sont jamais remis.
Texte tiré d'un Mémoire présenté à Parcs Canada dans le cadre de la consultation publique sur l’avenir du parc national du Canada Forillon Par la Ville de Gaspé le 30 novembre 2006.
Photo: Michel Julien
La ferme Blanchette, gardée intacte pour son style pittoresque, mais vidée de ses habitants en 1970.
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Voici une chanson interprétée par notre duo, Cadence.
Je voudrais la dédier tout spécialement aux anciens habitants des villages de Indian Cove, Grande-Grave, Petit-Gaspé, Ship Head, L’Anse-Saint-Georges, Penouille et à tous ceux qui s'en souviennent…
Le vieux du bas du fleuve
Une chanson de M. Gaston Mandeville
Interprétée par le duo Cadence
Guitare et voix: Suzanne – Lead vocal: Jo
Cliquez sur le lien pour écouter la chanson
Y’avait un vieux dans l’bas du fleuve avec une terre de 30 arpents
Un poèle à bois, une charrue neuve, 36 cochons pis 11 enfants
Y s’est levé un bon matin, une cicatrice sur son terrain
Les yeux pleins d’eau y’a dit calvaire, on est en train d’voler ma terre
Refrain : Quand t’es ben tranquille chez vous
Assis à compter les hivers pis à t’mêler d’tes affaires
J’ai d’quoi su’l’cœur mais j’ai pas l’cœur à te l’dire
Y’avait un vieux dans l’bas du fleuve avec un cœur de 30 arpents
On l’a tué à coup d’tracteur, le sang a coulé par en d’dans
Sa femme est là pis a dort pu, un coup parti les p’tits non plus
Le douze à sel c’est passé d’mode, on peut pas éviter l’exode
Y’avait un vieux dans l’bas du fleuve avec des rêves de 30 arpents
Sort sa charrue pendant la nuit, à grands coups d’poing laboure son lit
Y’avait un vieux dans l’bas du fleuve qui était caché dans l’fond d’un bas
Dans l’fond du Bas St-Laurent où c’est qu’y’en a qui passent par là
Photo: Forillon - Parcs nationaux Canada
( À lire également: La bataille de Forillon de Lionel Bernier)