Réveil
Il faisait froid. Le soleil ne parvenait pas encore à réchauffer l'air cristallin de ce matin d'automne. Mais sa chaleur se pressentait déjà, se laissait désirer, en quelque sorte. Ce serait une journée magnifique.
Quelque chose avait changé.
Quelque chose d'indéfinissable qui rendait ce matin-là unique.
La Louve se souvenait. Pourquoi avait-elle suivi cette étrangère au-delà de la sécurité de sa chère forêt? Comment avait-elle pu se perdre à ce point-là? Elle n'en savait rien. Elle ignorait comment elle s'était retrouvée soudain seule, dans ce monde inconnu et froid, avec à la poitrine, cette blessure ouverte.
Tout ce sang!
Elle se vidait lentement. Elle restait là, à regarder ses rêves, ses mots, ses illusions, sa vie qui goutte à goutte continuaient de s'échapper de son coeur, écorché vif.
Elle était demeurée longtemps couchée sur son flanc, meurtrie, sans bouger. Sans comprendre. Impuissante. À attendre que le mal qui la ravageait s'apaise enfin et la laisse reprendre un peu son souffle, priant Dieu pour que ça s'arrête. Juste un instant.
La douleur embrouillait sa vue et sa raison. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était là… immobile… perdue dans ce silence glacé. À demi-morte.
Dans son délire, elle avait vaguement eu conscience que des gens étaient venus puis repartis. On avait tenté en vain de la soigner, elle avait encore le souvenir de mains caressantes sur son corps. Sensations fugaces vite évanouies.
Et puis voilà que ce matin… Voilà que le soleil s'était levé sur sa tanière et qu'il brillait d'un éclat nouveau. Que s'était-il passé? Qu'est-ce qui était si différent aujourd'hui de tous les autres jours?
Puis tout à coup, elle avait su. La douleur...
Elle était partie. Après tout ce temps. Disparue! Envolée! Était-ce bien possible? Elle n'avait plus mal. Elle attendit quelques minutes, se forçant à respirer calmement de crainte qu'au moindre mouvement elle ne revienne la paralyser complètement encore une fois… mais la douleur ne revint pas.
Enfin, au terme de cette longue nuit qui lui avait semblé ne plus jamais devoir finir, la Louve ouvrit les yeux.
D'une grande inspiration, elle gonfla ses poumons de l'air frais du matin, puis rejetant la tête en arrière, elle poussa vers le ciel, un long hurlement, un cri venu du plus profond de son coeur de louve, infiniment puissant et que l'écho reprit avec elle.
Elle était libre!